Rare et précieuse offrande de feu Enix (devenu depuis Square-Enix) a destination des illuminés de l'époque qui ne juraient que par la Saturn, Nanatsu Kaze no Shima Monogatari, ou l'histoire de l'île aux 7 vents dans la langue des bronzés, fait partie de ces petites merveilles oubliées ou parfois même dénigrées au profit de jeux plus conventionnels, là-bas dans les bas-fonds sombres et humides du monde jadis fort excitant de l'import.
Alors, est-il finalement plus hardcore de se plonger dans le récit d'un livre d'images que de faire péter le score à Dodonpachi?
L'histoire sans fin.
Perché sur un tout petit ilôt flottant dans les cieux azurés de l'île, un gros oeuf vient d'éclore. Cornue, un peu ventrue et la peau verte, la créature qui en est sortie ressemble fort à un dragon, et contrairement aux apparences, ses petites ailes ne sont pas assez puissantes pour lui permettre de voler. Bien qu'il n'en ait pas (encore) conscience, Gaupu (c'est son chic nom officiel, mais libre à vous de le changer) ne vient pas de naître, mais de mettre fin à sa chrysalide. Ainsi débute une nouvelle vie, sans réminiscence aucune de son existence passée ; tout du moins si aucun évènement malheureux ne soit advenu entre temps... .
Dans les débris de l'oeuf, Gaupu trouva une plume de couleur noire exaltant un étrange parfum de nostalgie!? "WTF ?" se demanda-t-il. Encore un peu engourdi, c'est alors qu'une bourrasque de couleur(!) noire elle aussi le fit chuter sur l'île. Au même moment, une graine s'immisça dans sa sacoche.
"SOB !" grommela-t-il tout en reprenant doucement ses esprits. Ne sachant pas trop quoi faire, Gaupu chercha donc un endroit où l'herbe y est abondante pour y planter la graine enchantée. A peine quelques secondes s'écoulèrent qu' un arbre surgit brusquement. "OMG !?" s'exclama-t-il, abassourdi par la magnificence du phénomène. Sans hésiter pour autant et un brin curieux, Gaupu entra dans l'arbre, énorme, orné d'une porte.
Ce sera dorénavant son chez lui.
L'amitié, c'est pas du vent.
Après avoir joué au jeu des devinettes avec sa première connaissance quelque peu exotique (un taquet de porte?), Gaupu s'en va donc sans plus tarder découvrir son nouvel environnement. Avec ses bords de mers, ses forêts, ses hameaux, ses grottes et autres innombrables petits coins secrets, l'île est grande et peuplée de créatures plus fascinantes les unes que les autres.
Mais, et bien que le bouton A ne lui permette que de trottiner, son voyage va rapidement se transformer en pélerinage qui fera de notre reptile le troisième "maître des vents" après (le) Lion, duquel il obtiendra le fouet nécessaire à l'invocation des 7 vents et le très bagarreur Kanzû qui lui mettra plus d'une fois des bâtons dans les roues. Bien sûr, devenir "maître des vents" ne se fait pas en une journée et Gaupu devra les dénicher un par un, lesquels lui attribueront ainsi divers pouvoirs via le bouton anonyme de la manette selon leur couleur : orange pour soigner les blessures, le violet pour faire apparaître les choses invisibles, le bleu, le jaune, le rouge, le vert et enfin le légendaire septième et dernier vent, insaisissable et dont l'existence même reste encore à prouver.
Plus accessoire mais néanmoins bien utile voir indispensable à certaines occasions, Gaupu pourra également sortir de son sac qui fait office d'inventaire (bouton C) une canne à pêche et une sorte de pince mécanique pour capturer les insectes environnants en actionnant la dernière lettre de l'aphabet latin. Accessoire car tout ce qui est collecté peut être rangé dans la vitrine en bois chez lui (occasionnant par la même occasion un divertissement, très minimaliste, où le visage en haut du meuble change selon le type d'objets déposés) ; utile car sur l'île se trouvent 4 fervents collectionneurs (respectivement d'insectes, d'herbes, de pierres et de poissons) qui se feront une joie d'alléger votre besace moyennant toute leur gratitude ; indispensable enfin car satisfaire une demande spéciale de ces derniers sera récompensé parfois d'un renseignement précieux.
D'ailleurs tout comme son destin de "maître des vents" le laissait présager, les petits tracas locaux à résoudre ou les modestes services à rendre ne seront que le prélude à une intrigue bien plus grave menaçant d'extinction la vie de l'île tout entière, et dont Gaupu s'avèrera en fait en être aussi bien la victime que le coupable malgré lui.
Heureusement, Gaupu n'est pas seul et va d'ailleurs se faire des amis qui lui prêteront main forte chaque fois qu'il les convoquera via la flûte accordée sur le bouton i grec. Kisuke et ses mains en forme de pinces peut sectionner les plantes, Rôzuku réduire en miette les obstacles obstruant le chemin en usant de son puissant cri, et enfin les 2 grandes oreilles de Kurion lui permettant de voler seront idéales pour atteindre les corniches haut placées ou rendues inacessibles par un gouffre. Savoir faire bon usage de leurs capacités est donc essentiel pour progresser, mais la communication reste le véritable maître mot ici bas, même si, un peu à l'image de leur physique fabuleux, les habitants de l'île s'expriment tous d'une manière quelque peu poétique, pour ne pas dire sybilline (mais en tous cas toujours dans un japonais parfait...), a l'instar du vieux sage du coin, Sôru le grand escargot, peu avare en logogriphes quand il s'agit de porter conseil.
A défaut de faciliter la progression, le dépaysement est donc garanti, signe des grandes aventures.
L'île de Beauté sur Saturn au service d'un conte de luxe.
Enfin si d'aventure vous, jeune homme mondain ou jeune femme moderne, aviez oublié les irrésistibles sensations sentimentales mystiques ; ce mélange trouble de mystère et d'une vague nostalgie d'un lien, sacré, perdu, mais source de plénitude intérieure ; ressenties lors d'une promenade en milieu sauvage, Nanatsu Kaze no Shima Monogatari semble avoir avoir pour vocation de vous les rappeler, tant les écrans que vous traverserez sont une ode à dame Nature et à sa contemplation. La brise légère et reposante faisant bruisser le feuillage des arbres mais sachant se faire plus lugubre dans d'autres lieux ou elle devient courants d'air, le chant rassurant des grillons, les insectes sautillant ou virevoltant au passage de Gaupu, autant de détails (oui, le moulin à eau sur les photos souvenirs qui ornent ce site est animé !) qui sauront chatouiller les coeurs les plus endurcis, alors que le dernier tiers de l'histoire, parée d'une paire de cinématiques juste magnifiques et très émouvantes, finira d'achever même les âmes les plus souillées par le virus gris (PS-one j'écris ton nom ! *).
L'amitié, la solitude, l'oubli ou encore la vengeance ; comme toute oeuvre sculptée avec amour et passion, l'épilogue laissera libre cours aux interprétations et réflexions personnelles sur les thèmes abordés par l'auteur qui signe ici, par le biais des sublimes illustrations d'Amemiya Keita, un jeu aux allures d'un conte fantastique et poétique à la fois, sans jamais sombrer dans un style pompeux ou prétentieux.
Maintenant redescendons sur terre un instant et avouons que le rythme pachydermique, les va-et-vient incessants ainsi que les indices donnés de manière absconse risquent d'en laisser plus d'un à l'abandon sur le long chemin vers la vérité. Reste que son esthétique hors norme (probablement le plus beau joyau sur "notre planète" à nous) et sa narration dramatique qui va crescendo, en font un des jeux les plus emblématiques de la Saturn malgré son caractère atypique (il n'y a pas de game over notamment), de ceux qui forgent l'identité d'une console.
Une histoire à savourer doucettement, puis à lire au coin du feu à sa descendance.